De l’or pour sa fête
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Depuis près d’un siècle, on le fabrique selon les règles établies par le fondateur de la rhumerie, Homère, qui construisit une petite distillerie sur ses terres en 1917. Aujourd’hui propriété du groupe Bernard Hayot, le rhum Clément constitue une référence incontournable parmi les rhums agricoles.

Le rhum, c’est le sang des Antilles, parfois doux comme une brise marine, parfois assez fort pour assommer un marin ! », un adage poétique pour une eau-de-vie qui connut une apparition tardive aux Caraïbes et un développement concomitant à celui des eaux-de-vie de vin et de grain en Europe. Si le rhum ne fut produit à la Martinique dès les débuts de la colonisation, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que naquit le rhum agricole qui fait aujourd’hui la réputation de l’île. A l’époque du Père Labat, à la fin du XVIIe siècle, les sucreries traditionnelles produisaient un puissant alcool de canne connu sous le nom de « tafia ». La création des grandes usines centrales à vapeur au milieu du XIXe siècle entraîna une importante production de rhum industriel principalement expédié en Europe. Certaines habitations sucrières, insuffisamment compétitives dans la production du sucre et trop éloignées des usines pour livrer leurs cannes, choisirent de les broyer elles-mêmes pour en distiller directement le jus : c’est la naissance du rhum agricole qui gagnera en notoriété au cours du XXe siècle.

Né en 1852, Homère Clément fait ses études de médecine à Paris, avant de s’installer au François, où il est élu maire en 1886. Médecin, il s’engage en politique, ce qui le mènera à la Chambre des députés en 1902. En 1887, il achète le domaine de l’Acajou et y cultive la canne à sucre pendant trente ans. C’est seulement en 1917 qu’il construit une petite distillerie pour répondre à la forte demande en rhum de l’Europe en guerre, avant de mourir en 1923, à Paris, laissant à son fils Charles Clément le soin de perpétuer son œuvre. Ce dernier, né en 1901, est ingénieur de l’Ecole centrale des arts et manufactures et diplômé de l’Institut Pasteur. A son retour en Martinique, en 1923, il développe considérablement la distillerie de l’Acajou héritée de son père. Il l’agrandit à de nombreuses reprises et crée, dans les années 1930, la marque Acajou, qui prendra le nom de Clément dans les années 1940. Il contribue, en outre, à promouvoir la qualité du rhum agricole et à la protection de l’appellation Martinique. Son sens de l’innovation et son utilisation des techniques modernes de publicité offrent aux rhums Clément une notoriété dans le monde entier. Ses fils, Georges-Louis et Jean-José Clément, lui succèdent à son décès en 1973. Dans les années 1970 et 1980, la filière du rhum connaît des difficultés ; de multiples restructurations entraînent la fusion ou la disparition de nombreuses distilleries martiniquaises. Rhum Clément intègre le groupe Bernard Hayot en 1986, permettant ainsi une relance de la marque et la mise en place d’un ambitieux programme de valorisation du patrimoine. L’unité de distillation est transférée au Simon, à dix kilomètres, et l’ancienne distillerie est transformée en centre d’interprétation du rhum. Aujourd’hui, des milliers de visiteurs visitent, chaque année, l’Habitation Clément.

Héritier d’un savoir-faire précieux, Rhum Clément est, aujourd’hui, le premier producteur de rhum vieux de la Martinique. Les rhums sont le fruit d’une recherche permanente alliée à la rigueur de l’AOC dont bénéficie le rhum agricole de la Martinique depuis 1996. Le respect de la tradition qui caractérise le travail quotidien du maître de chai s’accompagne d’une innovation constante. La fabrication du rhum commence par une sélection rigoureuse de la canne à sucre, plante originaire de Mélanésie, dans l’océan Pacifique, qui a une grande capacité de stockage de sucre dans sa tige. Depuis des siècles, sa culture est profondément associée à l’histoire et à la société martiniquaises. La canne à sucre utilisée pour la fabrication du rhum agricole Clément provient des cent soixante hectares de plantations de l’habitation et de petits planteurs indépendants situés à proximité du domaine. La saison de la récolte débute vers février et se termine en juin. Longtemps cultivée et coupée manuellement, la canne à sucre bénéficie aujourd’hui de méthodes de culture modernes conformes aux strictes règles de l’A.O.C. De nouvelles variétés sont régulièrement créées afin de répondre aux exigences culturales et de production d’un rhum de qualité. A son arrivée à la distillerie, la canne à sucre est broyée par des moulins pour en extraire le jus sucré. La bagasse, résidu fibreux de la canne, est récupérée à la sortie des moulins. Elle sert de combustible aux chaudières où l’eau est transformée en vapeur pour actionner les machines et chauffer la colonne à distiller. La distillerie est une usine autonome puisqu’elle produit l’énergie dont elle a besoin pour fonctionner à partir de ses propres sous-produits. Le jus de canne est envoyé dans des cuves de fermentation où, durant 24 à 36 heures, le sucre se transforme en alcool grâce à l’action des levures et des bactéries. Pendant cette opération, les qualités aromatiques du rhum agricole se développent. Ce vin de canne à 5% est ensuite distillé dans une colonne à plateaux traditionnelle en cuivre grâce à l’action de la chaleur de la vapeur d’eau. A sa sortie de la colonne à distiller, le rhum est un liquide cristallin qui titre environ 70% d’alcool.

Afin de maintenir sa position de premier producteur martiniquais de rhum vieux et la qualité de ses produits, la maison Clément a construit plusieurs chais sur l’Habitation au cours de la dernière décennie. Cet important développement permet d’accompagner la forte demande de rhum vieux depuis 1996. Les chais Charles, Georges-Louis et Jean-José Clément, respectivement fils et petit-fils du fondateur Homère Clément, ont porté à 1 200 000 litres la capacité de vieillissement des rhums Clément. Durant de longues années, le rhum vieillit dans des fûts de chêne à l’abri des chais où flotte un doux parfum. C’est la part des anges qui correspond à l’évaporation naturelle du rhum à travers le bois. Le rhum agricole se présente sous différentes formes. Le rhum blanc, qui entre dans la préparation du traditionnel punch créole, est un rhum mis en bouteille quelques mois après sa distillation. Les rhums vieux, en revanche, passent au minimum trois ans dans des fûts de chêne français ou américain de deux cents litres. En fonction de la qualité des fûts et de la durée du vieillissement, ces rhums prennent une belle couleur ambrée et se chargent d’arômes qui font le bonheur des amateurs. Enfin, un ensemble de liqueurs et punchs préparés à partir de rhum agricole complètent la gamme Clément.

La maison Clément produit, depuis 1917, des rhums agricoles qui proviennent directement de la distillation du pur jus de la canne à sucre. Après distillation, le rhum à 70% repose pendant plusieurs mois dans des cuves en acier inoxydable à l’Habitation. Des apports successifs d’eau déminéralisée permettent de ramener sa teneur en alcool à 55,50% ou à 40% par paliers progressifs, réduction qui s’accompagne d’une oxygénation obtenue par brassage des cuves. Cette technique lente permet de débarrasser le rhum de son brûlant et d’obtenir ainsi un alcool équilibré en bouche, rond et savoureux. Cette opération prend de trois à huit mois, selon le type de rhum blanc. Le rhum Canne bleue, issu d’une seule variété de canne à sucre, bénéficie d’une préparation plus longue qui lui permet de développer des arômes exceptionnels. Le Shrubb créole, spécialité de la maison Clément, est une liqueur martiniquaise de Noël fabriquée à partir de rhums agricoles, des tanins et des arômes du fût. Le taux d’alcool baisse progressivement tandis qu’une part d’environ 8% s’évapore chaque année. Après une période de vieillissement de trois à quinze ans, le rhum vieux est assemblé par le maître de chai selon des caractéristiques propres à la maison Clément. Les rhums vieux ont trois, quatre, six, dix ou quinze ans d’âge. Certains rhums de grand âge sont millésimés 1952, 1970 ou 1976 et des assemblages d’années différentes sont proposés sous forme de cuvées spéciales.

Un beau témoignage du chemin parcouru par cette eau-de-vie laquelle nourrissait les désirs d’évasion, d’affranchissement des esclaves et comblait leurs besoins thérapeutiques. La boisson qui « tue le diable », qui faisait oublier le mal et la douleur a toujours gardé son aura mystérieuse et protectrice. En témoigne l’expression créole que l’on retrouve dans les habitats ruraux :«Yo pa ka domi adan an kay san ronm. » « On ne dort pas dans une maison sans rhum ! »

A découvrir sur : www.rhum-clement.com.

Eve

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