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Jeune breton d’une trentaine d’années, Yoann représente bien cette mouvance de bartenders un peu geeks, en perpétuelle ébullition, à mi-chemin entre historiens du bar et alchimistes, qui portent le bar français vers les sommets internationaux. Rencontre avec un passionné.

Rhumessences continue ses rencontres dans le monde du bar. Après Colin Field et Laurent Gréco, deux personnalités consacrées, on va s’intéresser pour les prochains numéros aux « étoiles montantes ». On commence avec Yoann Demeersseman.

 Rhumessences : Comment vous est venue la passion du bar ?

Yoann Demeersseman : J’ai baigné dans le monde du bar depuis mon plus jeune âge avec mes parents. Il y a toujours eu un bar à la maison, et c’est sûrement l’endroit de la maison ou j’ai passé le plus de temps. Petit, je disais que, plus tard, j’aurais mon bar !

Quel est votre parcours ?

J’ai eu la chance de suivre une mention complémentaire barman à la faculté des métiers de Rennes grâce à mon professeur Louis Bohe. J’ai suivi ma formation en alternance au Bowling international lorientais avec Philippe Proost. Je me suis beaucoup investi durant ces années en remportant des concours. M. Proost me parlait souvent du Savoy Hôtel, à Londres, où il avait officié pendant deux ans. Quand ils ont vu la passion que je portais aux cocktails, lui et M. Bohec m’ont conseillé d’aller à Londres, la capitale du cocktail. Je ne savais pas parler anglais, mais j’y suis parti.

Grâce au célèbre Difford’s Guide,  j’avais répertorié une liste des cinquante meilleurs bars à cocktails de la capitale. Tout est allé très vite et, après plusieurs extras, j’ai eu l’opportunité d’être embauché à l’Akbar, en plein cœur de Soho. Le bar est au sous-sol du meilleur restaurant gastronomique indien de Grande-Bretagne. Ce cocktail bar à été un réel bouleversement pour moi : un bar sans pompe à bière, une clientèle cosmopolite, un lieu magique et un Back Bar magnifique.

C’est là que j’ai rencontré Yoann Lazareth, aussi passionné et acharné que moi.  Après dix mois de travail ensemble, il m’a proposé de créer Culture Bar (un blog rédigé en anglais consacré à la culture bar). Cela a été le départ d’un nouveau parcours à Londres, puisque nous avons également adhéré au UKBG (United Kingdom Bartender Guild) et que j’ai remporté le premier concours national auquel j’ai participé avec l’association.

Après deux ans passés à Londres, j’ai choisi de revenir en France pour partager mon expérience londonienne avec l’ABF et les écoles hôtelières.

A mon retour, Gregory Tochon et Samuel Roustaing m’ont permis d’adhérer à l’ABF. Comme avec le UKBG, j’ai eu la chance de remporter mon premier concours (Calvados). Très investi dans l’ABF, j’ai participé à toutes les finales nationales et remporté, notamment, le concours RA Pernod, avec un voyage prestigieux à la clé, à Cuba.

Dans le même temps, je suis revenu en Bretagne, ma région, au Castel Beau Site, affilié au groupe Alain Ducasse, puis j’ai commencé à donner des cours à la faculté des métiers. Par la suite, j’ai décidé de me consacrer uniquement à la formation et cela fait bientôt trois ans que je suis formateur à Rennes.

Parlez-nous un peu de ce fameux CQP.

Le contrat de qualification professionnel barman est une formation unique en France dont je suis le formateur principal à Rennes. Elle a pour but de former en un an des jeunes barmen – la moyenne d’âge est de 21/22 ans – à la réalité actuelle du monde du bar dans les grandes capitales internationales.

Nous travaillons les classiques de la coupe Scott (60 cocktails) et les classiques internationaux (60 cocktails ) ainsi que les différentes techniques du bar. La connaissance des boissons et la culture bar y tient aussi une grande place. Nous faisons participer nos jeunes à des concours pro.  C’est vraiment une formation concrète qui débouche sur l’acquisition effective des bases d’un vrai métier avec la certitude d’un emploi à la clé.

C’est ce qu’on observe, en effet. Le rôle du barman dans un établissement semble de plus en plus important. Comment vois-tu son évolution ?

La tendance a beaucoup changé ces dernières années : les gens consomment moins, mais mieux. Avant, pour consommer un cocktail, il n’y avait que les bars de palace mais, depuis quelques années en France, il y a de nombreux bars à cocktails de styles anglo-saxon et américain, ce qui correspond à la culture bar actuelle internationale. Le barman est enfin reconnu, au même titre que les chefs et les pâtissiers. N’oublions pas que le bar est un métier de bouche et que nous donnons du plaisir à nos clients.

Quant aux types d’alcool, quelles tendances observes-tu ?

Même si, en France, on consomme principalement des anisés, du vin et du whisky, on s’aperçoit que le cocktail se démocratise peu à peu. Les Fresh Fruit martinis (fruits frais, sucre, vodka) sont très appréciés. Le gin l’est également ; même si les clients en ont, en général, une image négative, n’oublions pas qu’il est le spiritueux à la base du plus grand nombre de classiques ! Un cocktail, c’est un équilibre entre les produits. Les bitters comme le Campari et l’Aperol deviennent très tendance grâce aux barmen qui arrivent à les rendre plus accessibles. Pour finir, il faut noter l’apparition des Rum et des Ron . Depuis deux ou trois ans, on constate une forte progression chez les cavistes et, depuis peu, dans les bars.

Tu penses donc que le cocktail est réellement en train de se démocratiser?

Le cocktail connaît un essor important mais, de là à dire qu’il est réellement en train de devenir un phénomène de masse, je ne pense pas. Nous n’avons pas la culture cocktail, mais plutôt celle du café, du bistrot et de la gastronomie. Néanmoins, il semblerait que le goût de la clientèle change et qu’il devient de plus en plus tendance de sortir entre amis déguster un cocktail. Le grand public a longtemps considéré qu’être barman n’était pas un vrai métier mais plutôt un simple job. Heureusement, l’image de notre profession change et ne cesse d’évoluer de manière positive grâce aux bartenders et à tous ceux qui permettent à l’industrie du bar de valoriser notre travail.

Eve

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